
Après l’élection de Marie Ndiaye au Prix Goncourt 2009, le député de la majorité Eric Raoult, maire de la commune du Raincy, a demandé dans une question écrite transmise au ministre de la Culture de rappeler à la lauréate « son devoir de réserve ». Dans sa lettre M. Raoult soulignait que les lauréats du Prix Goncourt, qui est le prix littéraire le plus prestigieux en France, doivent dans leur prise de parole « respecter la cohésion nationale et l’image » de la France. Il a condamné les propos de l’écrivain qui, selon lui, « d’une rare violence, sont peu respectueux voire insultants, à l’égard de ministres de la République et plus encore du chef de l’Etat ». Le maire du Raincy, qui a soutenu en 2007 un amendement visant à rétablir la peine de mort sous certaines conditions, a fini sa lettre en demandant au ministre de la Culture de rappeler à la fautive son « nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d’une plus grande exemplarité et responsabilité ».
Les propos de Marie Ndiaye, qui lui ont valu ce réquisitoire de M. Raoult, ont été prononcés dans une interview publiée au cours de l’été 2009 par l’hebdomadaire français Les Inrockuptibles. Répondant à la question à savoir si elle se sentait bien dans la France sous Sarkozy, l’écrivain a répondu : « Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (avec son compagnon, l'écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants - ndlr) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d'être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j'ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux.
Je me souviens d'une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j'aime même si je ne la reprendrais pas à mon compte, elle avait dit : "La droite, c'est la mort". Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d'abêtissement de la réflexion, un refus d'une différence possible. Et même si Angela Merkel est une femme de droite, elle n'a rien à voir avec la droite de Sarkozy : elle a une morale que la droite française n'a plus. »
Au cours de cette semaine, la lettre du député de la Seine-Saint-Denis a provoqué une polémique qui n’a cessé de grossir. D’abord l’Académie du Goncourt a réagi en la personne de Bernard Pivot qui a rappelé que « le lauréat du Goncourt n’est pas la voix de la France » ; avant de se demander « où Monsieur Eric Raoult est allé chercher ce ‘‘devoir de réserve’’ qu’il a inventé de toute pièce ». Pour Bernard Pivot le « droit de réserve » que M. Raoult excipe « n’a jamais existé, n’existe pas et, grâce à Dieu, n’existera jamais ».
Alors qu’elle avait modéré ses propos ultérieurement dans un entretien avec Jean-Pierre Elkabbach sur la radio Europe 1, l’écrivain a déclaré le mercredi 11 novembre que le contexte ayant changé, suite à cette interview, « avec la publication de ce texte grotesque et hallucinant d’Eric Raoult. Il n’est plus nécessaire d’affiner mes propos antérieurs que je maintiens ». Comme Eric Raoult, elle en a appelé au ministre de la Culture Frédéric Mitterand afin « qu’il prenne clairement position sur cette affaire, et mette un point final à cette histoire ridicule ». Elle a estimé le silence du ministre mystérieux et peut-être embarrassé, alors que d’après Marie Ndiaye il n’y a « aucune raison de l’être ».
L’entrée en scène de la classe politique, dont la gauche qui a soutenu l’écrivain, en plus des interpellations des divers acteurs du monde de la littérature ont fini par susciter la réaction du ministre de la Culture. Même s’il a reconnu à M. Raoult, en tant que citoyen et parlementaire, le droit d’exprimer ses pensées, Frédéric Mitterand a admis que « les écrivains qui reçoivent le Prix Goncourt, et Marie Ndiaye est un grand écrivain, ont le droit de dire ce qu’ils veulent ». Le ministre avoue par là même l’inexistence du fameux « droit de réserve » de M. Raoult.
Reste à regretter qu’il ne l’ait pas fait avec autant de ferveur et de précision que dans « l’affaire Roman Polanski ».
Ngagne FALL (Correspondant permanent à Paris)
Source Sununews.com
Les propos de Marie Ndiaye, qui lui ont valu ce réquisitoire de M. Raoult, ont été prononcés dans une interview publiée au cours de l’été 2009 par l’hebdomadaire français Les Inrockuptibles. Répondant à la question à savoir si elle se sentait bien dans la France sous Sarkozy, l’écrivain a répondu : « Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (avec son compagnon, l'écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants - ndlr) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d'être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j'ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux.
Je me souviens d'une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j'aime même si je ne la reprendrais pas à mon compte, elle avait dit : "La droite, c'est la mort". Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d'abêtissement de la réflexion, un refus d'une différence possible. Et même si Angela Merkel est une femme de droite, elle n'a rien à voir avec la droite de Sarkozy : elle a une morale que la droite française n'a plus. »
Au cours de cette semaine, la lettre du député de la Seine-Saint-Denis a provoqué une polémique qui n’a cessé de grossir. D’abord l’Académie du Goncourt a réagi en la personne de Bernard Pivot qui a rappelé que « le lauréat du Goncourt n’est pas la voix de la France » ; avant de se demander « où Monsieur Eric Raoult est allé chercher ce ‘‘devoir de réserve’’ qu’il a inventé de toute pièce ». Pour Bernard Pivot le « droit de réserve » que M. Raoult excipe « n’a jamais existé, n’existe pas et, grâce à Dieu, n’existera jamais ».
Alors qu’elle avait modéré ses propos ultérieurement dans un entretien avec Jean-Pierre Elkabbach sur la radio Europe 1, l’écrivain a déclaré le mercredi 11 novembre que le contexte ayant changé, suite à cette interview, « avec la publication de ce texte grotesque et hallucinant d’Eric Raoult. Il n’est plus nécessaire d’affiner mes propos antérieurs que je maintiens ». Comme Eric Raoult, elle en a appelé au ministre de la Culture Frédéric Mitterand afin « qu’il prenne clairement position sur cette affaire, et mette un point final à cette histoire ridicule ». Elle a estimé le silence du ministre mystérieux et peut-être embarrassé, alors que d’après Marie Ndiaye il n’y a « aucune raison de l’être ».
L’entrée en scène de la classe politique, dont la gauche qui a soutenu l’écrivain, en plus des interpellations des divers acteurs du monde de la littérature ont fini par susciter la réaction du ministre de la Culture. Même s’il a reconnu à M. Raoult, en tant que citoyen et parlementaire, le droit d’exprimer ses pensées, Frédéric Mitterand a admis que « les écrivains qui reçoivent le Prix Goncourt, et Marie Ndiaye est un grand écrivain, ont le droit de dire ce qu’ils veulent ». Le ministre avoue par là même l’inexistence du fameux « droit de réserve » de M. Raoult.
Reste à regretter qu’il ne l’ait pas fait avec autant de ferveur et de précision que dans « l’affaire Roman Polanski ».
Ngagne FALL (Correspondant permanent à Paris)
Source Sununews.com